Révélations... [L'affaire Emile Reichtum]

Emilie était anxieuse alors qu'elle marchait dans les rues du Niveau O, son châle noir recouvrant sa tête blonde et cachant son visage d'aristocrate. Elle avait patienté pendant ces deux jours dans une certaine nervosité qu'elle avait caché avec peine à son frère. Elle s'était préparée à essuyer un refus de la part du Vampire, mais elle savait qu'elle ne le supporterait tout de même pas.

Pour des raisons assez vagues, au fond, Emilie était affolé à l'idée de voir Zechs Nebelsmond lui dire "non". Cependant, elle devait se rendre à l'évidence : il allait lui dire "non". Et elle devait se préparer à chercher une autre issu. Elle en était d'autant plus certaine qu'Emile n'avait rien fait de particulier pendant ces deux derniers jours. Il n'avait pas fait la fête, il n'avait pas bu, comme s'il savait qu'il devait se tenir à carreau pendant ces deux jours.

Emilie atteignit enfin l'auberge dite "Chez Paul". Elle entra et le tenancier la reconnut, ce qui ne fut pas vraiment pour lui plaire. Elle ignora son mot de bienvenue et alla s'assoir à la même table qu'il y avait deux jours, commanda le même plat et attendit nerveusement. Elle se surprit même en train de mordiller l'ongle du pousse de sa main droite.

En arrivant Chez Paul, Zechs savait une chose : il devait refuser le contrat d'Emilie Reichtum. Certes, Emile n'était pas un parfait gentleman irréprochable. Zechs pouvait même dire qu'il ne l'appréciait pas : il était si suffisant, si sûr de lui, si... infect.
Mais ce n'était pas suffisant pour que Zechs le condamne à mort.

D'habitude, Zechs n'était guère sensible aux sentiments humains. Mais quelque chose chez Emile le perturbait : il ressemblait, pas physiquement, à un homme qu'il avait connu de son vivant. Un homme qui avait fait un mal irréparable à sa soeur.

Mais Zechs entra tout de même dans l'auberge avec la ferme intention de dire non.
La jeune femme était assise à la même table. Zechs s'avança et alla s'assoir sur la même chaise qu'il y avait deux jour et la salua toujours de la même manière respectueuse mais avec ces gestes à la fois brusques et élégants qui lui venait de son sang tzigane.

"Bonsoir, Mademoiselle. Je préfère vous le dire tout de suite : je n'ai absolument aucun grief contre votre frère et je ne vois aucune raison valable de le tuer. Je suis désolé de devoir vous annoncer mon refus pour votre contrat. Mais je ne puis faire autrement."

Voilà, c'était dit. Maintenant, il pouvait se lever et partir. C'était terminé... Non?
Alors, pourquoi restait-il là, assis nerveusement tout au bord de sa chaise à regarder cette jeune femme blonde dans les yeux? Pourquoi avait-il ce sentiment qu'il manquait quelque chose à cette tragédie familliale?
Il n'arrivait pas à savoir pourquoi Emilie voulait tuer son frère, voilà ce qui n'allait pas.

Alors il resta là, à observer attentivement la réaction de la jeune femme.

Emilie avait commencer à trembler de tous ses membres en voyant le Vampire approcher de sa table. Elle lui rendit son salut d'un sign de tête un peu sec et avait attendu son verdict en silence.
Elle ne pouvait pas détacher son regard des lèvres du Vampire qui remuaient imperceptiblement.
Quelles étranges et fascinantes créatures étaient ces Vampires... Emilie ne les connaissaient pas très bien, même si Emile l'avait déjà amené à la Wachzustand.

En entendant le Vampire parler, Emilie sentait la sueur qui perlait à son front. Il était rare qu'elle soit dans un tel état d'émotivité et cela ne lui plaisait guère. Mais en présence de ce Vampire, elle se sentait terriblement mortelle et humaine. Elle n'arrivait pas à garder son calme habituelle... Mais il fallait dire aussi que le sujet était des plus délicats...

Enfin, le refus de Nebelsmond fut prononcé, clair et net. Emilie grimaça, mais cela ne suffit pas pour empêcher ses larmes de couler. Il ne manquait plus que ça! Elle pleurait comme une enfant! Pire encore, elle avait une envie irréprésible de sangloter lamentablement. Sa pudeur parvint tout de même à cacher ses hoquets.

C'était la colère qui se manifestait ainsi, plus que la tristesse, c'était une blessure profonde et une haine terrible qui la rongeait de l'intérieur. Elle avait toujours refoulé tout ça. Et cela avait plus besoin de sortir qu'elle ne l'aurait cru.

Très vite, la crise de larmes ne fut plus contenable. Emilie hoqueta gémit, tapa ses mains et s'écroula sur la table, violement secoué par ses pleurs devenus incontrôlable.

Cette réaction était plus qu'inattendue... Zechs sursauta quand la jeune femme s'écroula sur la table. Les clients de l'auberge jetaient des regards lourds de reproches au Vampire. Tous le monde les regardaient et question discrétion, ce n'était pas ce qu'on pouvait faire de mieux...

Un peu gêné, Zechs se leva, il prit la jeune femme par les épaules et l'entraîna vers la sortie. Une fois dehors, il chercha une impasse sombre et déserte qu'il trouva assez facilement. Là il regarrda tout autour de lui pour vérifier que personne ne pouvait les entendre.

Puis il observa Emilie, secoué de sanglots. Ce spectacle lamentable l'inquiétait... Et le peinait un peu, aussi. Qu'était-il arrivé à cette femme qui avait l'air si digne pour la mettre dans un état pareil?
En tout cas, le Chasseur de prime avait l'impression de s'être plongé dans une histoire plus sordide que d'apparence...

Zechs prit doucement les épaules de la jeune femme entre ses mains froides et il la regarda droit dans les yeux avant de lui parler d'une voix douce qui ne lui était pas habituelle.

"Racontez-moi tout, à présent. Je ne peux pas vous aider si vous ne me dites pas tout... Que s'est-il passé? qu'à fait votre frère?"

Emilie s'était laissée entraînée par le Vampire en continuant de sangloter. Mais en voyant que Nebelsmond l'emmenait dans une impasse sombre, ses larmes arrêtèrent de couler et elle frissona. Un vent de panique menaçait de souffler sur son esprit déjà déséquilibré. Lorsqu'elle sentit les mains glaciales du Vampire sur ses épaules, elle laissa échapper un petit cri aigue de surprise et de terreur.

Mais la voix du Vampire était douce et elle se sentit alors rassurée. Elle baissa les yeux vers le sol, d'abord prostrée. En pensant à tout ce qu'elle devait dire, la colère, la haine, ressurgirent avec fulgurance, déformant son visage. Elle finit par relever des yeux qui jetaient des éclairs sur le Vampire.

Il voulait tout savoir? Et bien il saurait tout.

"A cause de mon frère, je ne suis plus rien, je ne vaux plus rien et je n'ai plus d'autre choix que de continuer à vivre avec cet être ignoble. Seule la mort m'en débarassera. Mais même alors, je serais prisonnière de mon maudit héritage, de ma dote inutilisable. Je suis fichue! Complètement fichue. Mais fichue avec lui, c'est bien pire que seule. Oui, je préférerais mille fois être fichue toute seule. parce que non content d'avoir fichu ma vie en l'air une fois, il me fait souffrir ce démon!"

En voyant l'incompréhension du Vampire, Emilie se rendit compte qu'elle parlait à demi-mot, comme son frère. Son frère! Mais qu'il disparaisse de sa vie! Une bonne fois pour toute!

"Je ne sais comment vous l'expliquer... Il m'a souillée, et il me souille continuellement! Je... je n'ai pas le choix! Il est plus fort que moi! C'est comme s'il était dépendant. Il n'a pas trouvé d'autres moyens de me retenir. Il croit me tenir comme ça."

La douleur transparaissait dans sa voix grave et elle s'était remise à trembler, de rage. Elle finit par accrocher ses mains sur le veste de Nebelsmond et elle s'écria :

"Faîtes quelque chose pour moi, je vous en supplie! Vous êtes mon seul espoir! Je sais que je suis ridicule, que ce sont de grands mots, mais c'est la vérité!"

Zechs, en entendant tout cela, s'était figé. Il comprenait plus qu'il ne l'aurait du. Cet Emile Reichtum ressemblait plus à cet homme qu'il avait connu qu'il ne l'avait cru. En réalité, c'était exactement le même type d'individu répugnant. Et dans ce cas, cela était pire encore! Le mal avait été fait sur sa propre soeur! Comment pouvait-on se laisser aller à de tels vices? Ce comportement était incompréhensible pour Zechs, et encore moins supportable.

On pouvait dire que cela méritait une punition, une punition digne de ce nom. Et puis cet Emile était dangereux. Il était même complètement fou.

Evidemment, Emilie pouvait aussi être en train de le tromper de mentir. Mais Zechs n'y croyait pas. Il avait reconnu en elle la détresse de sa soeur, de nombreux siècles auparavent.

Les mains de Zechs se contractèrent sur les épaules de la jeune femme. Peut-être un peu trop. le Vampire s'en rendit compte et retira ses mains avant de lui faire mal.

"Très bien. Alors votre frère payera son crime dans le sang. Si nous sommes amenés à nous revoir, surtout, faîtes comme si vous ne me connaissiez pas."

Et avant que la jeune femme ait pu ajouter un seul mot, Zechs avait disparu dans l'obscurité de la nuit.