Visite morbide et commémorative au cimetière...

(Si quelqu’un est intéressé ce topic est ouvert alors venez!)

«In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti...»

La main pâle et chétive aux doigts finement taillés prit lentement et de façon appliquée une bonne poignée d’humus frais brunet embaumant la terre humide. Les doigts bien écartés autour de la masse brune et molle se refermèrent spasmodiquement et soudainement – comme dans un geste de dégoût nouveau – lancèrent leur contenu avec un léger élan. Les grumeaux de terre fraîche s’aplatir tout d’un coup sur le bois dur, taillé rapidement et sans ménagement. La petite flaque de terre, si parfaite, si belle, formant une étoile au centre du linceul – non n’était-ce pas plutôt une toile d’araignée? Prise au piège, comme un vulgaire insecte. La comparer à une bestiole à six pattes était presque blasphématoire. Pourtant l’idée avait germé dans son esprit et l’y déloger était tout simplement impossible.

Maintenant les gens défilaient devant Johann, lui serrant la main, en pinçant les lèvres et en tentant d’éviter son regard bleuté et vide le plus possible. Que pouvait-on dire au fils d’une défunte? Des banalités d’usage comme à l’habitude… mais le malaise chez les personnes présentent était presque palpable. Et le jeune orphelin savait bien pourquoi les regards curieux tels ceux des vautours se posaient sur lui de cette façon, en catimini. Il était un spécimen de cirque. Il avait aimé sa mère de façon indécente toute sa vie – il l’avait aimé plus que sa propre vie, plus que Dieu! – et la relation mère fils étrange et peu commune était bien connue de tout le monde. Mais à quoi bon se préoccuper de tout ça, les gens ne méritaient pas qu’on leur accorde la plus petite importance, qu’ils auraient tant souhaitée. Johann ne leur accorderait pas cette jouissance. Pour l’instant la seule envie qui l’étrennait était celle de dormir, dormir à tout jamais. Ne plus jamais se réveiller. Car sans cette femme dont on était en train d’enterrer le corps, la vie – sa vie – n’avait plus aucun sens, plus aucune saveur.

Pourtant, il ne pouvait pas arrêter de vivre, puisqu’il était déjà mort. Et le fait de ne plus boire de sang ne le ferait pas mourir pour de bon, à son grand désespoir. Il était condamné à errer sur Terre pour l’Éternité. De toute façon, il savait très bien que même s’il s’étendait, il serait incapable de fermer l’oeil. Il décida donc de passer à sa nouvelle acquisition. Il avait hérité de la Wachzustand la veille de la mort de Rosa, il y avait donc six jours maintenant. Le restaurant ne lui appartenait pas vraiment, il n’était que gérant, mais le jeune homme qui n’avait jamais travaillé de toute sa vie trouvait qu’il y avait là une grosse amélioration. Il ne pourrait plus vivre sur le salaire maigre de sa mère, il devrait travailler lui aussi comme tout le monde. Il n’avait pas vraiment le choix de tout façon…

Il attendit distraitement que tout le monde s’éloigne et alla saluer et remercier vaguement le prêtre présent qui avait dit la messe en l’honneur de la morte. Il se dirigea immédiatement après en direction de son établissement. Un petit vertige le pris en surprise. Il devait trouver son Calice, Ingrid, et vite… Malheureusement quelqu’un l’apostropha avant qu’il ne puisse quitter le cimetière.

[HJ : Et la narratrice eut une brusque envie de jouer Elie Moon... @o@/ ]

Ces deux personnes qui assistaient à l'enterrement passaient inaperçu par leur discrétion, leur silence, pour ceux qui éprouvaient un minimum de douleur à voir cette femme partir. Les autres... avaient du mal à faire semblant de ne pas voir les deux hommes. Pourtant Elie avait fait un effort immense pour ne pas s'habiller avec trop d'extravagance. Il portait un long manteau noir qui tombait sur ses pieds. Oh! Bien sûr, Elie Moon avait tout à fait conscience de sa beauté éblouissante. Ce devait être ce qui attirait l'oeil.
A cette pensée, le Doyen eut un sourire satisfait et passa ses doigts fins dans son immensément longue chevelure de sang qui ondoyait jusqu'à ses genoux.
A moins que ce n'était ce grand dadais d'androïde qui lui servait de garde du corps qui se faisait remarquer par sa trop grande taille. il faisait ressortir le fait qu'Elie Moon n'était pas très grand. Le Doyen jeta un regard peu amène au grand androïde au xcheveux de jais. La créature lui rendit un regard dénué de toute expression. Elie soupira et reporta son attention sur l'enterrement. Après tout, tant que le dadais portait bien l'ombrelle... Certes, on ne pouvait pas dire qu'il y avait un soleil resplendissant, mais Elie Moon tenait absolument à protéger sa peau satinée de la couleur des perles. Voyons, lorsqu'on était le Doyen des Vampires, il fallait soigner son apparence! Jusque-là, Elie Moon pouvait être satisfait sur ce point là. Il se trouvait une apparence magnifique personnellement quant à lui par devers lui...

Le Vampire à l'ego surdimensionné regarda les membres de la famille ou amis adresser des condoléances silencieuse au fils de la morte. Johann Wilhelm Müller, membre de la Sonnes Einheit et gérant du restaurant de la Wachzustand. Un rôle important, s'il en est.
Elie trouvait normal d'assister à cet enterrement. C'était même une obligation, pour lui. Il s'intéressait de près à la vie privé de tous les membres de la Sonnes. Après tout, n'étaient-ils pas, tous, ses petits protégés?
Cependant, le Doyen était si vieux qu'il avait tendance à donner une sorte d'amour paternel à tous ceux qu'il appréciait. Et il n'y avait pas que des membres de la Sonnes. Et pas que des vampires...
Du Prince au petit Merle... Oui, Elie avait beaucoup d'amis. C'était grâce à son charisme surpuissant.
Nouveau sourire d'autosatisfaction.
Mais il avait beaucoup d'ennemis aussi. cependant, rien qui ne puisse inquiéter un Vampire de plus de mille ans tel que lui.

L'assistance commença à se disperser. Müller allait également quitter le cimetière. Il avait l'air triste... Ou plutôt non, il n'avait pas l'air triste. Mais Elie le savait triste.

Le Doyen souleva son lourd manteau noir pour ne pas marcher dessus, comme une dame soulevant les pans de sa robe pour faire une révérence, et il trottina dans la direction du jeune Vampire. L'androïde, lui, avec ses grandes jambes, n'avait pas besoin de courir pour suivre Elie. Le Doyen réprima une grimace : ce grand dadais avait véritablement un don pour rendre Elie ridicule!
En continuant de trottiner, malgré tout, Elie Moon interpella le jeune Vampire avant qu'il ne sorte du cimetière.

"M. Müller!"

Elie s'arrêta lorsqu'il arriva à la hauteur de Johann et lui adressa un sourire sincèrement triste. L'androïde était toujours derrière lui, tenant l'ombrelle noir, imperturbable.

"Veuillez accepter mes condoléances, M. Müller." fit-il d'une voix mélodieuse tout en prenant doucement la main de Johann entre les siennes pour la serrer fermement pendant un instant.

« M. Müller! »

Une voix se fit entendre à travers les murmures pervers des gens trop curieux venus assiter à l’imunation de Rosa Müller, âgée de trente-huit ans, laissant en deuil son fils unique, Johann Wilhelm, incestueux.

* Qui peut bien m’appeler par mon nom? *

Il se retourna vivement en faisant virevolter sa longue cape noire autour de ses jambes maigrelettes, battant de ses pans l’air remplit d’humidité et qui glaçait le sang, pour ceux qui en avait encore. Son patron, le proptiétaire du restaurant de la Wachuzstand, Elie Moon, se tenait là, devant lui, les bras balants, aucune émotion sur son visage pâle. Que lui voulait-il? Ses condoléances? Franchement, c’était complètement ridicule, personne à part lui-même, n’était pas attristé de la mort de sa mère. Il retint un fou rire quelque peu inaproprié dans ces circonstances. Pourtant, il avait l’impression que Moon était sincère. Après tout, il avait connu sa mère, il en avait aussi été le patron. Mais Johann ne pensait pas que Rosa et Elie ait pu avoir une relation autre que professionnelle, que ce soit par amitié ou par amour. Sa mère n’avait jamais vraiment eu d’amis. Ni amoureux, d’ailleurs. Enfin, à sa connaissance. Se pouvait-il qu’elle lui ait caché avoir eue une liaison quelconque? Le jeune homme avait de la difficulté à le croire, mais tout était possible. Et si elle avait eu un amant, se pouvait-il que se soit son supérieur, Elie Moon? Johann tenta de déchiffrer des sentiments dans les yeux clairs de celui-ci. Non. Rien. Par contre, il se sentit obligé d’ajouter quelque chose à l’intention de ce dernier :

« Merci bien, Herr Moon. J’apprécie vos sympathies. »

Il prononça les mots d’une voix rauque et caverneuse, chargée de fatigue accumulée au fil des jours et des nuits à veiller sa chère mère mourante, jusqu’à entendre le dernier râlement étrange si particulier au trépassement.

Comment pouvait-il se débarrasser poliment de l’homme devant lui? L’idée d’Ingrid l’obsédait. Il avait besoin d’elle, maintenant c’était urgent. Son cou si fin, si pâle. Comme c’était plaisant de mordre avidement dans sa chair tendre.

Il n’eut cependant pas besoin de trouver une solution, car son calice avançait justement vers lui, sans le quitter de ses yeux mauves, avides et pétillants d’amour intense. Quel soulagement! Son patron partit sans rien ajouter, voyant bien que Johann ne voyait que la jeune femme. Johann se pencha vers elle et lui plaqua deux baisers sur les joues empourpées par la gêne.

« Bonjour Ingrid. Je suis content que tu sois venue. Viens, rentrons à la maison. »

Il prit doucement la main féminine dans la sienne. Ils marchèrent, sans se presser, en direction de leur petite maison coquette.

(Super! Mon premier message de jeu! Je suis là, Wilhelm!)

Ingrid avait suivi le service funéraire de loin. Les enterrements l’avaient toujours rendue plus timide et renfermée, ce qui n’était pas généralement son caractère habituel. Le charisme de la jeune blonde semblait s’être dissipé avec l’âme de la charmante mère de Wilhelm. Elle avait toujours respecté cette femme, presque autant qu’elle aimait son patron. Ingrid sentait qu’elle s’était forcée à rester à l’écart non seulement par ses émotions boulversantes, mais aussi pour ne pas laisser son amour incontrollable embarrasser son cher Wilhelm en ce jour si noir. Cependant, elle n’avait pas osé le perdre du regard. Tandis que les gens s’avançaient pour lui présenter leur sympathie et leur respect envers la défunte, la petite serveuse était restée blottie derrière un arbre du cimetière, tout en observant l’homme à qui elle dévouait pratiquement tout son corps et âme (sans oublier son sang).

Ne pouvant plus attendre à la vue de son amour, Ingrid entreprit de le rejoindre. Elle pouvait le voir parler avec Elie Moon en personne. Il n’était pas rare qu’elle le voyait passer dans le restaurant, où il vivait, d’ailleurs, mais c’était toujours une surprise de poser son regard sur le directeur de leur groupe. Johann la regardait, à présent, et leur supérieur s’éloignait. Alors qu’elle se rapprochait de l’homme qu’elle vénérait de tout son cœur, elle frissonna. Elle cru d’abord que c’était dû au fait qu’elle était presque rendue à ses côtés, mais ce genre de frissonnement ne faisait habituellement pas geler sa colone vertébrale. Elle était transie, et ce frisson lui rappela durement la nuit où elle avait perdu son frère. Elle se dit qu’elle aurait tout de même se couvrir plus qu’avec un simple châle. Elle arriva finalement auprès de Wilhelm. Ce dernier, dès qu’elle posa le pied près des siens, la prit par les épaules en lui donnant deux baisers sur chaque joue. Elle vira au cramoisi, ne croyant pas à ce qu’il venait tout juste de faire. Il la salua ensuite et lui proposa de se rendre chez eux. Ingird ne se plaignit pas. Elle s’emmitouffla sous son bras, où la chaleur de la cape sombre la réchauffa rapidement. La jeune femme soupira, rassurée. Le vampire ne disait rien. Elle leva les yeux vers lui, pour voir que son visage était neutre, sans émotions. Bien qu’il ne semblait pas montrer ses sentiments, la petite serveuse savait que les derniers événements l’avaient chaviré. Et quoi qu’il puisse penser des gens et leur ignorance envers la femme qui lui avait donné la vie, Ingrid espérait qu’il savait qu’elle tenait énormément à lui dire comment elle était désolée, mais qu’elle retenait bien sa langue, consciente qu’il l’avait certainement assez entendu pour aujourd’hui.

Ils marchaient tranquillement dans les rues menant à son modeste foyer lorsque Wilhelm chancela légérement. Sursautant plus que lui, Ingrid le regarda pressément. Son visage était pâle, et ses yeux, vitreux. Elle reconnaissait malheureusement ces symptômes. Le vampire des Sonnes Einheit avait besoin de ses « services ». Trop petite et trop faible pour soutenir sa grande taille, elle pria son patron de s’asseoir contre le flanc d’un des bâtiments pour éviter qu’il se blesse s’il chuttait. Tandis qu’il s’exécutait, Ingrid s’agenouilla à ses côtés sans dire un mot et, tout en écartant ses longs cheveux scintillants, elle lui présenta son mince cou marqué de deux petits trous aussi sombres que ses yeux d’un petit air innocent. La seule chose qui pourrait maintenant passer par-dessus la sensation pas nécessairement agréable était son sentiment de fierté envers le grand service qu’elle rendait à son amour, toujours plus fort que tout.

[HJ : Eh! Je suis le seul à décider de ce que je fais... >.<
Va pour cette fois parce que c'était une intervention du narrateur... >.>]

( Ben désolée, mais c'est parce que tu étais déjà parti... alors je me suis dit que c'était mieux comme ça. Vraiment désolée... Je recommences plus c'est promis )

Wilhelm sentait bien que Ingrid devenait fébrile, car elle avait tout de suite compris ce que son maître attendait d’elle. Il n’était malheureusement pas amoureux de la jeune femme et ne le serait probablement jamais.Il avait déjà tenté de le faire comprendre à son jeune Calice, mais celle-ci ne s’en préoccupait guère. Peu lui importait que son amour indéfinissablene soit pas réciproque. Au moins pouvait-elle lui rendre un immense service en lui donnant de son sang de temps en temps, par petites doses.

Un autre étourdissement le prit soudainement, plus intense encore que d’habitude. Il avait absolument besoin du sang d’Ingrid immédiatement ou il pourrait tomber sans connaissance et se fracasser le crâne. Il n’eut cependant pas la force de demander à son Calice de faire les gestes habituels. Il se sentait devenir de plus en plus faible. Heureusement pour lui, Ingrid savait bien ces symptomes signifiaient, elle l’aida donc à s’étendre doucement contre un mur d’une bâtisse. Elle découvrit tendrement son cou blanc et palpitant si appétissant pour le jeune vampire. Il s’étira malgré sa fatigue extrême pour se rapprocher le plus près possible de la chair tendre. Il mordit avidement dans celle-ci, faisant deux nouvelles petites marques grâce à ses canines anormalement pointues. Il sentit le goût du sang descendre de sa bouche tout le long de son œsophage. Quelle sensation intense! Le goût si particulier du sang et si bon était un délice pour lui.

Il tenait fermement le cou de la jeune femme de sa main droite par habitude, sa main gauche reposant sur le sol dur pour l’empêcher de tomber.

Ingrid tressallit brusquement. Les crocs du vampire venaient de transperçer son cou, formant deux nouvelles petites blessures. Au moment où elle se sentit couler dans la bouche de Johann, elle éclata en sanglots. Elle avait si mal, mais elle en était malade d’amour pour son précieux Wilhelm. Sa dévotion était tellement puissante qu’elle en aurait vômi. Cependant, elle tâcha de pleurer silencieusement, laissant échapper un sanglot angoissé malgré elle, pour ne pas attirer l’attention sur eux.

Wilhelm n’y allait pas de main morte, comme à l’habitude. Sa poigne se resserra bientôt dans ses fins cheveux blonds, mais elle ne se préoccupait que trop des canines blanches lui ayant troué les veines une fois de plus. Elle avait si mal, mais elle en était malade d’amour pour son précieux Wilhelm. Malade d’amour pour son précieux Wilhelm. Malade d’amour. Cette pensée fut la seule chose qui l’aidait à tenir le coup. La sensation d’être suçée par les pores même de son cou était l’une des plus attroces qu’elle ait jamais eu à subir. Sans compter l’habituelle faiblesse – voire l’anémie – qu’elle ressentait après chaque saignée… Pourtant elle était fière. Fière de venir en aide à Wilhelm, qui en avait besoin pour rester en vie, ni plus ni moins. Mais quoi qu’elle pouvait penser, son subconscient tentait toujours de lui rappeler le traumatisme qu’elle avait vécue lors du meurtre de son frère. Tout comme lui, elle se faisait dévorer, plus lentement et plus hypocritement. Son âme si douce et si généreuse n’arrivait pas à le saisir…

Lorsque le vampire à la croix d’or se redressa, Ingrid resta toute tremblante, agrippant son châle. Les larmes continuèrent à couler longuement sur ses joues et dégoulinaient sur son menton secoué par les soubresauts des sanglots de moins en moins violents. Elle se calma progressivement, sans pour autant reprendre des forces aussi vite que son maître. Elle se rendait compte que son aîné, maintenant rassasié, avait pris beaucoup plus de sang qu’à l’habitude. Il s’était bien trop affaibli, cette fois-ci. La jeune fille se dit que le poids du deuil de sa très chère mère était la raison pour sa négligeance.

Ingrid tenta de se lever mais ne put que chanceler et retomber dans les bras du vampire. Si elle avait eu plus de sang dans son organisme quelque peu affaibli, Ingrid aurait rougi au plus haut point. Cependant, elle ne trouva pas d’autre solution pour éviter de se renverser sur le sol que de se cramponner aux épaules carrées de Joha. Les dernières gouttes larmoyantes tombèrent amèrement sur la pierre de la rue tandis qu’elle trouva refuge dans le creux de sa forte épaule. Gênée, elle ne dit pas un mot, en attente des paroles de celui-ci, sachant mieux que n’importe qui qu’il fixait doucement son visage d’une blancheur plus qu’extrême. Quand allait-il enfin ouvrir la bouche?

Elle se réveilla doucement, mais elle était encore trop faible pour y voir quelque chose de distinct. Ingrid pouvait par contre sentir une présence dans la pièce où elle était allongée. Bien entendu, cette présence, elle aurait pu la sentir à des centaines de kilomètres! Wilhelm était là, quelque part. Elle tenta d’ouvrir la bouche pour parler, mais ce fut en vain. Aucun mot ne parvint à traverser sa gorge. Sa gorge… Elle se souvint vaguement de cet épisode… Elle pouvait voir le visage de son amour, et le moment où elle lui avait tombé dans les bras. Cependant, c’était soudaint le noir. Comment était-elle arrivée ici? Et où était-elle?? À en juger de la douceur du matelas, elle était revenue à la demeure de Herr Müller. La jeune fille cligna des yeux, et sa vue s’ajusta légérement. Tourna la tête vers son côté, elle put voir la silhouette floue de Wilhelm. Ce dernier semblait tourmenté, le visage entre les mains. Elle parvint à détacher un bras de son corps fatigué et le tendit lentement vers le vampire, qui ne l’avait pas encore vue. De nouveau, Ingrid tenta de parler, et le seul son qui sortit fut une sorte de croâssement rauque et sans gaité, comme elle l’espérait pour rassurer l’homme de sa vie.

Elle remarqua alors la blancheur de sa main, tendue au-delà de son nez. Sa peau était blême.

Ingrid frissonna. La petite serveuse prit une respiration et se détermina à prononcer le nom de Wilhelm. Bien évidemment, le nom de son maître en sortit de façon bâtarde, mais la voix de la petite Frida avait parlé plus fort et plus clairement, provoquant l’effet désiré. Le vampire fit mine de relever la tête. La blonde aux yeux mauves remua faiblement sous les couvertures. C’était sans espoir de pouvoir se lever, mais elle voulait à tout prix se dégager de ce poids où elle étouffait presque. Les draps la faisaient transpirer davantage dans sa fièvre et c’était inconfortable. Son bras tendu vers lui retomba mollement contre le flanc du lit. Elle s’épuisait vite et elle sentait que de continuer à ce rythme pour attirer l’attention de Wilhelm ne la conduirait que dans une rechute. Elle tenta tout de même une dernière fois de prononcer son nom.

« Wilhelm?, fit-elle d’une voix de plus en plus faible. »

Elle n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien se passer dans la tête de Johann Wilhelm Müller...

Désespéré par toutes ses émotions incconues et contradictoires, Johann Wilhelm tenait toujours son visage ravagé entre ses longues mains blanches. Jamais, en vingt et un ans d’existance – et sur ces vingt et un ans, neuf ans passés en tant que vampire – il n’avait ressenti des sentiments aussi forts, aussi intenses, et ce, même pour sa propre mère qu’il avait pourtant adulé plus que comme un fils. La question, bien légitime, se posait d’emblée dans la tête aux cheveux clairs du jeune homme. Pourquoi elle, pourquoi Ingrid Frida Schmidt? Qu’avait-elle de spécial, d’enviable? Bon, c’est vrai, elle était charmante avec sa timidité maladive envers lui et son amour visible par tous. Mais il y avait beaucoup plus de jeunes filles du même âge qu’eux bien plus jolies que celle couchée sur le grand lit. Pourtant c’est elle et aucune autre qui attirait Joha physiquement et émotionnellement. Si un peu plus tôt il n’avait pas été certain de ses sentiments, maintenant il lui semblait évident qu’il ne s’était pas trompé.

Johann était profondément plongé dans ses pensées quand il entendit son nom prononcé doucement et presque imperseptiblement.

« Wilhelm… »

Il leva immédiatement la tête et fixa son regard remplit d’eau sur les yeux mi-clos de la jeune fille encore excessivement faible. Elle avait tendu sa main molle et anormalement pâle vers l’homme qu’elle aimait pour attirer son attention, en vain puisque celui-ci était trop pensif pour la remarquer. Heureusement, son ouïe n’avait pas faiblit comme sa capacité à comprendre ce qui se passait dans sa tête et dans son cœur.

« Ingrid, tu es en vie! Comme je suis heureux, dit soudainement Johann le plus sincèrement du monde. »

Il se répéta intérieurement qu’il ne devait absolument en aucun cas révéler sa découverte surprenante à Ingrid. Pourtant il savait très bien que ses sentiments étaient partagés, mais une voix intérieure lui criait de ne jamais dire la vérité. Dieu seul savait pourquoi… Mais Johann Wilhelm avait toujours fait confiance à son intuition infallible et il n’allait certainement pas arrêter maintenant. Il s’approcha cependant du lit et s’assit, le dos accoté sur la tête de lit en passant doucement son bras droit autour des épaules frêles de la jeune femme, souriante. Il baissa tendrement la tête et posa tranquillement ses lèvres sèches sur le front moite. La jeune fille s’était un peu relevée et ses joues devinrent soudainement de couleur bourgogne se mariant étrangement bien avec la tache de naissance de Wilhelm. Celui-ci n’avait absolument aucune idée de ce qu’il allait faire à partir de maintenant. Mais une idée vague germa dans son esprit à ce moment-là. Il devait agir de façon à ce que Ingrid ne se doute de rien, il devait donc se faire une petite amie. Mais Johann savait trop bien que cela était impossible, surtout maintenant. Il serait totalment incapable de faire semblant d’aimer quelqu’un en faisant aussi comme si son Calice le rendait indifférent. Alors une seule idée lui venait à l’esprit. Pourquoi pas plusieurs? Plusieurs femmes ne lui poseraient aucun problème, contrairement à une seule.

Johann laissa apparaître sur son visage, pour la première fois de la journée – ou plutôt de la semaine – un sourire qui illumina son regard pétillant. Il aurait un harem, voilà la solution!

Ingrid se sentit enfin rougir lorsque Wilhelm lui déposa un léger baiser sur le front.

* Oh mon Dieu!, s’écria-t-elle intérieurement. C’est bien la première fois qu’il réagit de telle manière! *

Pour sa part, elle ne savait aucunement comment réagir. Tout ceci semblait être trop beau pour être vrai! Pour le voir comme une consolation, sa fièvre lui indiqua qu’elle n’était pas en train de rêver. La jeune fille leva les yeux vers l’homme qui l’encerclait doucement de ses bras. Elle était aux anges, même dans l’étreinte d’un vampire. Il ne lui venait pas à l’esprit que ce même vampire avait manqué de la tuer, par abus de son sang si vital. Oh non. Wilhelm n’aurait jamais pu faire une telle chose! Qui plus est, il avait l’air si inquiet de la voir dans cet état critique. Il en était visiblement désolé. La jeune fille ferma les yeux, reposée. Une douleur aiguë lui tirait dans le cou, mais elle s’en moquait bien; elle ne pouvait rien sentir de plus que de la joie et de l’amour alors qu’elle était dans les bras de l’homme de ses rêves. Tout en esquissant un faible sourire (c’était à peu près tout ce qu’elle pouvait lui redonner en ce moment), elle leva sa main une fois de plus et caressa gentiment la joue de son maître tant bien-aimé. Elle souhaitait que ce moment ne finisse jamais.

Évidemment, elle n’avait aucune idée de ce qui pouvait bien se trammer dans la tête de Herr Müller, à son insu. Elle n’en saurait rien, pour le moment en tout cas. Comment aurait-elle pu penser, elle, enfant si douce et si timide, que l’homme qui l’aimait enfin allait tenter de fuir ses sentiments pour elle en couchant avec d’autres femmes?

Elle était trop heureuse, même si elle n’avait aucune idée à quel point le regard soulagé de Johann était sincère. Les yeux remplis d’espoir du vampire la faisait trembler d’envie. Et, à bien y penser, ceci était bien la première fois qu’elle ne perdait pas la raison en présence si rapprochée de Wilhelm (et ici on précise aussi qu’il ne se tenait à moins de trente centimètres de son visage!), bien qu’elle n’aurait pas eut la force de plonger dans l’hystérie.

Ingrid sourit, plissant les traits de sa bouche de plus en plus loin, dessinant alors sur son visage blême une radieuse fente qui présentait un espoir concret de son promt rétablissement. Elle était heureuse, et elle ne pouvait pas s’avouer à quel point elle aimait Wilhelm Müller.

Wilhelm se sentait soudain malade. Il avait mal au cœur, son estomac se soulevait étrangement dans son ventre. Il se dirigea rapidement à l’extérieur de la chaumière pour vômir tout ce qu’il avait dans son estomac, y compris un peu de sang d’Ingrid. Il vômit plusieurs fois de suite, son corps soulevé de spasmes puissants qui l’obligeaient à se pencher vers l’avant, les genoux et les mains dans l’herbe verte et grasse. De la sueur perlait à son front sous l’effort de son organisme à expulser tout ce qu’il avait pu ingurgiter depuis les dernières vingt-quatre heures. Heureusement, il ne recracha que très peu du liquide rouge si précieux à ses yeux. Pourtant le jeune homme n’avait pas fait d’indigestion. Les derniers jours avaietn été tout simplement trop oppressants et éprouvants. D’abord la chute de sa mère et ensuite Ingrid. C’en était vraiment trop en si peu de temps!

Johann sentait une présence dans son dos, et, se retournant, il aperçut une silhouette floue aux vagues reflets, mais il n’eut pas besoin de constater la blondeur de la chevelure pour comprendre de qui il s’agissait. Se dirigeant lentement vers elle, il s’arrêta brusquement à sa hauteur et lui demanda doucement :

« Ingrid, peux-tu me préparer un bain, s’il te plaît? Je crois que je vais en avoir de besoin. »

Il rentra dans la maison, la précédant. Il sortit sans dire un mot de plus la grande bassine de bois et sans aucune pudeur, contrairement à Ingrid qui le regardait, estomaquée, commença à se déshabiller lentement. Il mit un pied, puis un autre, dans la baignoire avant de s’asseoir à l’intérieur, ses jambes maigres repliées sur son torse et entourées de ses longs bras.

Il eut un frisson de surprise quand Ingrid versa tranquillement de l’eau tiède pour qu’il puisse se laver à sa guise.

Après avoir terminé de remplir d’eau la baignoire, la jeune Calice sortit discrètement de la pièce et laissa son maître à ses pensées obscures. Joha aspergea son visage marqué d’eau. N’y tenant plus, de grosses larmes sortirent de ses paupières et glissèrent sur ses joues blanches pour ensuite aller se perdre dans l’eau non-salée et tiède.

Ingrid se retira, quelque peu troublée. Non par la nudité du vampire (oui, mais ça aussi, à vrai dire), mais plutôt par son comportement. C’était bien la première fois qu’elle le voyait aussi… dérangé. Elle aurait pu jurer qu’il était sur le point de perdre la raison.

Elle se tint, adossée contre la porte de la pièce. La jeune Frida ne savait pas où donner de la tête. Elle se sentait encore légérement étourdie. Elle songea un moment à demander à Wilhelm s’il avait faim afin qu’elle puisse lui préparer quelque chose à manger, mais hésita très fortement à l’idée de le déranger.

La petite serveuse se résigna donc à errer dans la maison en attendant que son maître ait terminé de se relaxer, puis elle se retrouva devant la porte de la chambre de Johann Müller. Timide, elle y entra pour aller s’asseoir sur le lit. La blonde ne bougea plus. Elle resta silencieuse pendant un long moment, ne sachant que faire d’autre. Puis, elle se mit à penser.

* Je me demande ce qu’il lui arrive, bon sang! Il n’est plus tout à fait le même qu’avant…, s’inquiéta-t-elle. C’est vraiment à croire que la mort de sa mère l’a tant perturbé. Combien de temps en sera-t-il malade? Oh, je ne sais pas quoi faire pour l’aider! Je veux qu’il se sente mieux. Je crois qu’il va falloir que je reste calme et ne faire que ce qu’il me dit. C’est mieux comme ça, je ne pourrai pas le décevoir de cette manière. *

Le Calice ferma ses grands yeux sombres. Tout se passait à son insu. Le vampire gardait pour lui-même la nouvelle qui aurait fait d’Ingrid la jeune fille la plus heureuse du monde. Frida se leva et alla à la fenêtre de la chambre. À l’extérieur, tout était maussade, le temps était triste et gris. Elle n’avait pas le moral.

Il lui sembla pendant un moment que la chose qu’elle désirait le plus était de se coller à Wilhelm et d’y rester agrippé toute sa vie. Elle était vraiment malade d’amour pour cet homme si mystérieux, qui aurait tôt fait de ne plus la regarder de la même manière…

Le seul fait de laisser couler ces larmes trop longtemps retenues enlevait un poids immense sur les épaules de Johann beaucoup trop fragiles pour autant de charge. Il ne se remettrait peut-être jamais de la mort de sa mère et il en était conscient. Jamais il n’avait aimé quelqu’un de cette manière. Enfin jusqu’à présent…

À la seule pensée de Ingrid qui attendait de l’autre côté de la porte, son corps maigre fut parcouru de frissons intenses. Était-ce ça l’amour? Comment était-il sensé le savoir, différencier le véritable amour d’une simple attirance quelconque? Il n’avait aucune référence, il ne pouvait demandé à personne. La seule personne digne de confiance en ce genre de situation aurait été bien sûr Rosa, mais elle reposait malheureusement maintenant six pieds sous terre. Trop tard… Il avait été assez imbécile pour ignorer l’amour qu’il vouait à la jeune femme avant aujourd’hui en le confondant à de l’affection.

Empoignant sa serviette de bain, il se mit debout pour sortir de la bassine et s’essuyer tranquillement. Il sifflait un petit air entre ses lèvres. Quand il fut assez sec à son goût il enroula sa taille dans la serviette et se dirigea vers sa chambre.

Il y trouva Ingrid assise dans le grand lit, dos à lui. De cette façon, elle ne l’avait pas entendu entrer ni n’avait senti sa présence dans la pièce. Il vint s’asseoir à ses côtés, tout doucement, en prenant son temps. Étant un peu plus grand qu’elle, il dû se pencher pour poser ses lèvres sur les siennes. Il ferma les yeux et l’embrassa tendrement.

« Ich liebe dich..., lui murmura-t-il à son oreille dans sa langue maternelle.»

Qu’avait-il fait là?

Dans sa poitrine, son cœur fit le plus grand bond qu’elle eu jamais ressenti.

Ich liebe dich

Je t’aime

Ingrid n’en revenait pas. Ses yeux se plissèrent et s’emplirent de larmes. Elle se mit à pleurer doucement.

* Est-ce que c’est vrai??, s’écria fortement son âme. Est-ce vraiment ce qu’il a dit?? Et si ce n’était pas sincère?? *

Mais alors ce baiser? La jeune serveuse n’avait aucun idée d’où donner de la tête. Elle se détourna, cachant ainsi sa honte et ses larmes. Elle était honteuse? Pourquoi donc?? C’était bien le moment de sa vie sur lequel elle s’était accroché depuis sa première rencontre avec Wilhelm. Le vampire lui redonnait enfin son amour! Mais elle était incapable de se l’avouer. Elle avait trop peur du contraire… Mais elle était si heureuse, en même temps!!

Que devait-elle faire, à présent? L’embrasser? Oh non! Quelle idée! Mais pourquoi pas? Tout se chamboulait dans sa tête blonde. Elle cessa de faire couler ses larmes, trop perdue entre une hystérie de joie et une autre d’incertitude.

* Et s’il n’est pas sincère?? *

Johann Müller était rempli de surprises, surtout en ce jour si éprouvant pour lui… Peut-être que son malaise précédent l’avait atteint d’une manière plus brusque qu’elle ne l’imaginait… Il fallait qu’elle en soit absolument sûre. Il ne fallait pas qu’elle se fasse de faux espoirs!

Elle se retourna vers lui, qui la fixait toujours, attendant certainement une réaction de sa part autre que des larmes! Elle le regardant droit dans les yeux, chose qu’elle n’arrivait pas à faire très souvent. Mais cette fois-ci, c’était trop sérieux. Bien trop sérieux.

« Est-ce que c’est vrai?, demanda-t-elle d’une voix tantôt tremblante d’anxiété, tantôt ferme. Soyez honnête, finit-elle par ajouter, d’une voix angoissée. Je ne serai pas déçue si vous ne pensez pas ce que vous venez de dire. »

Elle s’en voulait à présent d’avoir parlé cette dernière phrase. Non pas parce que le vampire lui répondit, mais parce qu’elle eut peur que cela influence sa réponse.

« Soyez honnête, répéta Ingrid, dans un murmure. »