[Anniv d'Elie Moon] Parmis la foule, à attendre

C’était étrange. Garland avait longtemps tergiversé avec elle-même pour savoir si oui ou non elle se rendait à l’anniversaire d’Elie Moon et puis, finalement, se disant que ça serait encore plus impoli de ne pas y aller alors qu’elle avait été invitée, elle avait décidé de s’y rendre. Et puis il avait fallut trouver un cadeau. Ou plutôt, il avait fallut chercher un cadeau. Pour un OGC comme Garland qui ne voyait directement pas l’intérêt d’offrir un cadeau, ça n’avait pas été évident. Elle ne comprenait pas cette pratique : offrir quelque chose. Pour elle, quand on fête un évènement, on invite des gens que l’on aime ou que l’on apprécie un minimum. Donc, logiquement, leur seule présence devrait suffire à combler l’hôte, non ? Le monde était décidément bien difficile à comprendre.

Bref, Garland était chez elle, face au grand miroir qu’elle n’avait même pas accroché parce qu’elle n’avait pas assez de force pour hisser un si grand objet. Elle regarda une dernière fois son reflet et eut un mince sourire. Ce n’était pas la première fois qu’elle se déguisait ainsi, mais c’était la première fois qu’elle prenait des vêtements de son père. D’habitude, elle se faisait passer pour un homme lorsqu’elle devait aller acheter de la peinture, c'est-à-dire au moins une fois par semaine, et elle ressemblait d'avantage à un mendiant dans ces moments là. Mais pour ce soir, être habillée comme un homme sans fortune n’était peut être pas la bonne solution. Alors elle avait décidé d’ouvrir la grande armoire de chêne qui contenait tous les vêtements de son père et d’en prendre quelques uns.

C’était la première fois qu’elle ressemblait tant à un homme. Juste la natte qu’elle avait fait avec ses cheveux lui donnait un air féminin. Et ses ongles longs, aussi, pouvaient prêter à confusion. Mais sinon, un vrai petit homme des Schwefelsländer ! Elle aurait pu se vêtir en femme, certes, mais c’était bien moins marrant. Et puis Garland ne savait pas être femme, elle ne savait pas sourire, elle ne savait pas charmer, elle ne savait pas séduire, elle ne connaissait rien des mondanités (les celles réceptions où elle fut jamais allée sont les cérémonies des lunatistes, donc disons que ce n’est pas la meilleure des préparations pour assister à l’anniversaire d’Elie Moon). Être un homme, c’est plus simple : on peut se taire, on peut seulement observer, on peut intimider plus facilement. Mais plus Garland y pensait et plus elle se rendait compte que ça risquait de mal finir. Elle avait peur, c’était la première fois qu’elle devait se rendre à un tel évènement. Oui, Garland devait y aller. Elle n’avait pas le choix.

L’OGC respira un bon coup avant de mettre un chapeau type borsalino noir tout à fait classique sur sa tête. Puis, elle sortit de chez elle pour aller trouver la diligence. Quelques temps après, elle était devant la Wachzustand, parmis la foule, à attendre de pouvoir entrer. Garland était à l’heure, oui. On lui avait dit que tout commençait à telle heure, alors elle y était à cette heure. Elle ignorait complètement que souvent les gens se font attendre pour faire une entrée plus spectaculaire. La tête baissée et les yeux rivés au sol, si on pouvait dire quelque chose de Garland Ubach à ce moment précis, c’est qu’elle ne se sentait pas à sa place. Mais il fallait qu’elle reste n’est-ce pas ? On lui avait demandé de venir, ses sentiments à elle ne comptaient pas. Il fallait faire ce qu’on lui demandait sinon elle le regretterait. Ca ne serait peut être pas si terrible… Et puis ce n’était qu’une nuit, sur des milliers d’autres. Et elle n’avait pas le choix. Et, flûte, il fallait arrêter de se poser des questions. Quand on pense que des gens tueraient pour avoir sa chance… [Et hop, un degré supérieur d’atteint pour l’ego d’Elie Moon ! ^^]

[Hj : Complètement libre, à tous ceux qui doivent attendre pour entrer et assister à l’annoch de l’ancêtre !]

Rafe faisait partie des habitués, des grands privilégiés qui étaient invités à chaque fois à l’anniversaire du grand Elie Moon [l’adjectif « grand » n’est pas utilisé ici au sens propre]. Ce n’était donc pas sa première fois. Pas la première fois qu’il assistait à cette fête curieuse et pas la première fois qu’il avait à chercher un cadeau pour le Doyen. Dans ce domaine-là, il s’en sortait toujours très bien. Il avait son petit secret pour toujours trouver le cadeau que personne ne pouvait trouver dans les Schwefelsländer (ou ailleurs). Mais même si pour lui trouver un cadeau était d’une facilité déconcertante, Rafe n’hésitait pas à se creuser les méninges et à dépenser gros. Peut-être était-ce un goût pour le luxe qu’il avait hérité de sa famille.
Cette idée répugna le jeune homme qui grimaça tandis que sa voiture cahotait dans les rues du Niveau 0 de Hochstadt. À côté de lui était assis un vieux domestique anglais avec une belle moustache grise et un crâne un peu dégarni. Le domestique était lent et avait des gestes précautionneux : c’était justement pour cette raison que Rafe l’avait choisit pour transporter le cadeau d’Elie Moon dans la Wachzustand.

Les rues encore animés d’Hochstadt défilaient en sursautant sous le regard morne de Rafe, tandis qu’il ressassait de sombres pensées, comme à son habitude. Peut-être que lors de la fête d’anniversaire d’Elie Moon il ne se sentirait pas trop seul. Le Doyen savait se montrer assez amusant pour que Rafe oublie de ruminer son humeur mélancolique sans avoir besoin de boire d’alcool. Ce qui ne l’empêcherait pas d’en boire pour autant. S’il y en avait. Elie Moon pouvait avoir décidé par on ne savait quelle lubie de priver tout le monde d’alcool ce soir. Ce n’était encore jamais arrivé, mais il fallait s’y attendre, comme il fallait s’attendre à tout et n’importe quoi.

La voiture s’arrêta brusquement lorsque le cocher stoppa son équipage. Il descendit de sa place pour aller ouvrir la porte. Le domestique sortit en premier (avec quelques difficultés, puisqu’il portait le cadeau de Rafe pour Elie Moon). Rafe le suivit rapidement et tous deux se dirigèrent vers l’entrée de la Wachzustand où s’accumulait une véritable foule. Entre les voisins curieux, Rafe reconnut les visages familiers des habitués de la Wachzustand et des invités réguliers d’Elie. Il y avait de nombreux membres de la Sonnes Einheit mais aussi des représentants importants de tous les clans. Mais bien sûr, jamais un membre de l’Humanis extrémiste ne serait venu et le Doyen préférait ne pas inviter d’éminentes personnalités lunatistes. Bien sûr, tout le monde pensait que c’était une sage décision pour ne pas laisser la fête devenir un véritable chaos. Le point de vue d’Elie Moon était tout autre. Selon lui, toute forme de fanatique se trouvait dans le panier des « rabats joie ». Et Elie Moon ne voulait pas de rabat joie pour sa fête d’anniversaire.

Rafe salua discrètement toutes les personnes qu’il connaissait et qui le remarquaient. Il se frayait un chemin à travers la foule, non sans difficulté, suivi par son domestique, toujours encombré de son paquet. D’ailleurs, parlons-en de ce paquet. Il s’agissait d’une grosse boîte parallélépipédique enveloppée dans une étoffe de velours rouge. L’objet semblait très lourd, mais le vieux domestique arrivait tout de même à le porter sans trop de difficulté [Oui, dans les Schwefelsländer, tout est possible ! Après tout ce n’est qu’un dessin a… Euh, un RPG ! ^^’ ].

Mais parmi les invités qui attendaient, il n’y avait pas que des têtes connues. Il y avait aussi un certain nombre d’anonymes que le Doyen semblait avoir invité complètement par hasard. Souvent, ces gens ne connaissaient Elie que de nom et se demandaient bien pourquoi ils avaient été invités. La personne qui se trouvait juste devant Rafe devait être de ceux-là (ou alors c’était l’un des voisins curieux qui pointaient le bout de leur né pour observer ce qui se passait). Mais la personne ne semblait pas franchement à l’aise (ce qui confirmait le fait qu’il s’agissait bien d’un « invité surprise »). Rafe hésita à l’aborder afin de discuter avec elle et de la mettre à l’aise. Finalement, il posa sa main sur l’épaule du petit monsieur à la tresse.

« Bonsoir, monsieur. »

Lorsqu'elle sentit une main sur son épaule, Garland sursauta clairement. Elle ne s'attendait pas du tout à être interpellée, et encore moins par un "Bonsoir monsieur" si poli et si faible. Heureusement que l'inconnu avait posé la main sur l'épaule de Garland car sinon elle n'aurait jamais compris que c'était à elle que l'on s'adressait. Complètement paniquée mais tentant de plaquer sur son visage une expression neutre, elle se tourna vers la personne qui l'avait interpellé, priant pour que son apparence particulière -même déguisée- ne fasse pas fuir son interlocuteur. Elle le toisa une petite seconde, le temps de remarquer que c'était un homme aux cheveux sombres, au visage enfantin, au regard neutre malgrè ses yeux d'une couleur tirant sur le rouge.

"Bonsoir." répondit-elle, d'une voix peu assurée.

Voilà. Et après, Garland était complètement bloquée. Pourquoi avait-il fallut que ce jeune homme lui parle ? Le connaissait-elle ? Non, sûrement pas, ce n'était pas un lunatiste, elle ne l'avait jamais vu. Que lui voulait-il ? Garland s'imaginait déjà qu'il lui dise qu'elle n'avait pas sa place ici et qu'il lui ordonnerait de partir. Quoique, il n'aurait pas pris la peine de s'adresser poliment à elle si tel était le cas. Mais pourquoi avait-il parlé d'une voix si faible ? Peut être qu'il n'avait tout simplement plus de voix, après tout ça peut arriver. Mais pourquoi s'adresser à Garland en particulier ? Elle n'avait rien de plus que monsieur Toutlemonde à cet instant...

"Vous... euh... Vous allez également à l'anniversaire de Mr Moon ?"

A peine les mots sortis de sa bouche, elle savait qu'elle avait l'air complètement ridicule. Bien sûr que le jeune homme se rendait à la fête. Mais Garland ne se sentait pas de lui demander qui il était, de but en blanc. Encore moins ce qu'il lui voulait. Après tout, peut être qu'il voulait juste un petit renseignement. A cette pensée, l'OCG paniqua un peu plus. Elle ne savait rien de la soirée, alors si jamais le jeune homme avait besoin de précision il se trouvait en face de la mauvaise personne. En fait, il était très probable qu'il s'y connaisse mieux qu'elle, à tout niveau.

Habituée parmi les habitués. Comment Mylène aurait-elle pu manquer l'anniversaire du "patriarche", le plus ... vénérable ? non... le plus ... "tenace" semblait correspondre le mieux à celui que tous attendaient, dans ce hall de réception forcément bondé.
Comme au temps l'illustre Cour du roi Soleil, la foule attirée ici était en quête de prestige social, distribué par ne serait-ce qu'un bref regard malicieux du maître de maison, à la différence près qu'Elie Moon ne comptait pas domestiquer à des fins autres que son amusement personnel...et éternel ses "courtisans".

Encore que la vampire, elle, avait depuis ce qui lui semblait une infinité renoncé à cette recherche de gloire. De son vivant, elle avait tout eu. Morte, elle n'aspirait qu'à satisfaire ses besoins primitifs de sang, et accessoirement, les assortir que quelque forme d'amusement. Escompter le plaisir serait trop présomptueux.

C'est peut-être finalement la basicité de ses aspirations qui avait fini par rentre Mylène, sa vie d'humaine terminée, presque fréquentable. Du moins, tellement moins véreuse et hypocrite que ces nobliaux quémandant la venue d'Elie, cachant la noirceur de leurs préoccupations sous des sourires carminés et des couches farineuses de céruse, produit redevenu à la mode cette saison.

Presque fréquentable, car qui rechercherait la compagnie d'une prostituée, vampire par-dessus le marché, à des fins sociales ? Non, elle n'était plus qu'objet de plaisir aux yeux de l'immense majorité des habitants de Hochstadt. Tant mieux, le jeu des relations l'avait suffisamment occupée de son vivant.

Ici, elle était non pas en représentation comme la plupart des invités, mais au travail. Divertir, se nourrir et si l'occasion se présentait, se divertir.
Observer la foule l'amusait, en même temps que certaines scènes particulièrement hypocrites lui soulevaient vaguement le coeur : elle avait l'impression de revenirà l'époque où c'était elle qui réceptionnait, masquant sa répulsion sous d'aimables sourires.

*Bien. Entrons en lice...*

Affichant le si débectant mais nécessaire sourire de circonstance, Mylène passa une main dans sa lourde chevelure, attachée et piquetée de quelques roses sanguines, et fit quelques pas dans le hall magnifiquement décoré, à la recherche de quelque connaissance pour le moins supportable, histoire de paraître occupée à quelque conversation, ce qui paraît toujours plus engageant que de faire tapisserie près du buffet...

*Comtes, Vicomtes, une Duchesse en compagnie d'un Marquis surpoudré, harnaché et laqueté comme jamais un sapin de Noël ne le fut... Ce n'est pas par ici que je trouverai une fréquentation agréable.*

Il allait falloir ruser. Faisant son chemin parmi les plus hauts membres de la société des Schwefels, Mylène parvint jusqu'à un laquais portant quelques coupes de vin de Champagne. Souriant à ce domestique, qui n'était autre que le très séduisant petit-ami d'une cuisinière de sa maison close, Mylène finit par aviser M. de Tarente, aimable client originaire, comme son nom l'indiquait, d'un comté des Deux-Siciles.
Encore un large sourire séduisant, et elle abordait le petit homme brun à la mise sobre mais élégante.

"Mon cher Monsieur... vous voilà de retour dans nos contrées...
-C'est avec un plaisir immense, ma chère Mylène, répondit l'italien avec son délicieux accent, que je reviens périodiquement ici. Les fêtes somptueuses de M. Moon ne mériteraient sous aucun prétexte d'être manquées... tout comme votre grâcieuse présence, chère.
-Vous allez me faire rougir, voyons, ajouta ironiquement Mylène avec une délicate tape sur l'épaule de M. de Tarente. Il est tant d'autres créatures au moins aussi charmantes que moi, surtout chez M. Moon...

D'ailleurs, où étaient ses collègues ? Mylène reprit son observation, tout en continuant son précieux badinage.